vendredi 2 mars 2018

''L'Enterrement de Brahman'' Yoko Ogawa


 Aujourd’hui, j’ai lu deux livres de Yoko Ogawa en japonais. Pourquoi les ai-je lus en japonais ? Parce que ces deux livres « Les souvenirs d’Anne Frank (Anne Frank no kioku) » et « L’enterrement de Brahman (Brafuman no maisô) » ne sont pas traduits en français.

« Les Souvenirs d’Anne Frank (Anne Frank no kioku) »


 Yoko Ogawa dit que « Le Journal d’Anne Frank » est un livre important depuis son enfance, et que sans Anne, elle ne serait sans doute pas devenue écrivain. À l’adolescence, influencée par cette fille mondialement connue pour son destin tragique, l’écrivaine japonaise a commencé à imiter et à tenir un journal, puis elle s’est mise à fabriquer petit à petit quelque chose qui ressemblait à des histoires et, si j’emprunte son expression elle ‘’s’est rendu compte à vingt-six ans qu’elle était devenue écrivaine’’.

 Avec son éditrice et une interprète d’allemand, Yoko Ogawa fait le pèlerinage sur la trace de la vie d’Anne Frank. Le voyage commence à Amsterdam où les Frank et une autre famille juive les Pels ont mené une vie secrète dans l’Annexe jusqu’au jour fatal. Après avoir rencontré deux personnes qui connaissaient personnellement Anne Frank, Jacqueline van Maarsen et Miep Gies, elles vont à Frankfurt pour visiter sa maison natale qu'habite aujourd'hui une autre famille. Ce voyage se termine par une visite à Auschwitz et à Birkenau où tous les habitants de l'Annexe ont succombé les uns après les autres, sauf le père, Otto.

 Depuis la publication du ‘’Journal’’, Anne Frank est devenue le symbole des victimes de l’Holocauste. D’autre part, elle fait encore l’objet d’attaques antisémites. En lisant cet essai, on comprend que le regard que Yoko Ogawa porte sur Anne Frank a quelque chose de plus profond et d’intime. Pour l’écrivaine, Anne est comme une amie de longue date, et d’une certaine manière, ce n’est pas faux, puisqu’elle lisait passionnément son journal depuis qu’elle avait le même âge que son auteur. Il est notoire que le rêve d’Anne était d’être écrivaine, et elle avait l’intention de publier son journal dès que la guerre serait finie. Je me demande quelles histoires elle aurait écrit si elle avait survécu à la guerre. Yoko Ogawa s’est-elle posé la même question dans l’Annexe où vivaient jadis Anne et sa famille ?


« L’Enterrement de Brahman (Burafuman no maisô) »


 ‘’Brahman’’ est un mot étrange. Il sonne anglais, mais ce pourrait être aussi un mot allemand ou un mot qui vient d’une langue nordique. En réalité, c’est un mot sanskrit dont le premier sens est ‘’énigme’’. Dans ce court roman de Yoko Ogawa, Brahman est le nom d’un animal inconnu que le héros ramasse un jour.

 À la lecture des descriptions de Brahman qui apparaissent de temps en temps, on comprend qu’il a le poil marron, les prunelles de la même couleur, une queue voyante et des palmures. Les gens manifestent souvent une réaction de rejet envers lui, ce qui permet de comprendre que son apparence a sans doute quelque chose de saugrenu. Cependant on ne sait jamais exactement à quoi il ressemble.  

 Tout est anonyme dans l’univers de ce roman. Le jeune homme qui est le narrateur, la fille du marchand de couleurs, le joueur de cor, le graveur d’épitaphes, aucun des personnages n’a de nom, sauf Brahman. De la même manière, le nom du village où l’histoire se déroule n’est jamais mentionné. On sait seulement qu’il y a une gare, un cimetière antique, et un bassin où Brahman aime nager.

 Cet univers loin du réel me rappelle un peu « In Watermelon Sugar » de Richard Brautigan. En lisant cet ouvrage, je me demandais d’où venait cette atmosphère mystérieuse qu’a créée Yoko Ogawa. Cette énigme est partiellement résolue dans la postface. Il est écrit que Yoko Ogawa a été invitée à un festival de littérature japonaise qui a eu lieu dans une petite ville d’Aix-en-Provence en 2003, et que c’est durant ce séjour qu’elle a trouvé l’inspiration de « L’Enterrement de Brahman ». L’auteur a peut-être conçu l’univers de ce mystérieux village à partir de ce paysage champêtre du sud de la France, mêlé à sa riche imagination.

 À propos, je connais une autre histoire de Yoko Ogawa qui se déroule en France. Dans ce récit, une Japonaise voyage dans le sud de la France, et voit, assis dans le train, un écrivain très célèbre. En le regardant manger des cacahuètes, elle essaie de se souvenir de son nom. Alors qu’elle se rappelle nettement ses ouvrages, son nom ne lui revient absolument pas à l’esprit. Finalement, cet écrivain célèbre descend du train. Après être rentrée au Japon, elle cherche ses livres sur l’étagère, mais il a disparu pour une raison inconnue. Comme j'ai lu cela il y a longtemps, les détails ne sont sans doute pas exacts, mais c'est un épisode mentionné dans « Manuscrit Zéro », si je ne me trompe pas.

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